6/17/2007

65 ans? Et alors?

J’ai fêté mes 65 ans dimanche passé. Fêté, c’est un bien grand mot. Bouteille de bon vin, pizza chez Anne-Lise, ma cadette. Mais je suis l’homme des petits bonheurs, comme disait une collègue, et ça me suffit.

Martine, ma collègue, m’interviewait cette semaine pour un article à venir dans une revue. On devrait faire ça plus souvent. On découvre des choses sur soi!!!

Je me suis entendu dire que j’étais un bricoleur de génie. Avec la réserve qu’il faut mettre l’accent sur bricoleur, et non génie! Je ne suis pas un scientifique, un homme de rigueur. Je suis plutôt du genre artiste, intuitif. Je suis un touche-à-tout sans formation qui réussit beaucoup de choses, mais qui échoue souvent, aussi.

Mais sous la plume de Martine, bricoleur de génie est devenu « s’ingéniant » … Wow!

Il y a quelques années, en éducation, on s’est mis à renouveler le vocabulaire. L’élève est devenu un apprenant, un « s’éduquant » , pour souligner, j’imagine (je n’ai jamais tout à fait compris!), le rôle actif qu’il doit prendre dans ses études.

Alors, sur ce modèle, j’ai découvert ce matin que je suis un « s’ingéniant »! Et non un « singe niant », tous égards dus aux singes!!!

S’ingéniant, le petit Fabien qui se laisse inscrire au cours classique dans le but de devenir prêtre pour faire plaisir à sa maman. Mais le bon abbé qui m’accueille en me passant la main dans la chevelure frisée ne sait pas que j’ai horreur de ça! Coup de sape dans ma vocation…

S’ingéniant, le Fabien à peine plus vieux qui se laisse inscrire chez les Oblats à Chambly, parce que Mgr Scheffer peut aider l’aîné d’une famille nombreuse à poursuivre ses études… et devenir un bon père oblat… Projet qui tournera court. Un an sans retourner chez moi, l’ennui, et les bons Pères qui voient dans ma mélancolie sans doute mal exprimée du « mauvais esprit ». Ils m’ont fait la grâce de me demander de ne plus revenir…

S’ingéniant, le Fabien adolescent qui découvre en même temps à Schefferville l’anglais, les petites Anglaises et le French Kiss!!! Wow!!! Le twist et le rockn’roll, et le slow bien twisté… Re-wow! Pas de cours pour ça, que du bricolage!!!

S’ingéniant, le Fabien jeune homme qui entre à l’École normale pour se préparer à devenir professeur. Qui s’ingéniera comme président de classe, puis président de l’école, comme responsable du ciné-club, du journal étudiant, des Lacordaires (!), à éviter le plus possible d’étudier…

S’ingéniant, le jeune professionnel qui se retrouve devant une classe à 23 ans, qui ne sait à peu près rien de tout… Notre principal à l’École normale nous avait dit que nous n’avions prouvé qu’une chose chez lui : que nous étions capables d’apprendre. Que c’était donc vrai! Mes cinq années d’enseignement à Schefferville auront été le laboratoire où j’ai appris l’essentiel du métier.

S’ingéniant, le jeune professeur de 26 ans appelé à remplacer le directeur âgé mort d’une crise de cœur. Faut s’entendre. Schefferville avait tous les services, mais c’était quand même une école de brousse… Mais on s’arrangeait. On bricolait! Étape qui m’a convaincu que je n’étais pas fait pour la gestion. Ce qui comptait pour moi, dans l’enseignement, c’était de pouvoir faire mon show devant une classe!

S’ingéniant le professeur déjà aguerri qui offre ses services pour enseigner les sciences religieuses à Sorel. Un peu d’expérience, mais pas de formation. Formation sur le tas. Bricolage.

S’ingéniant, le prof qui ose chercher un emploi au Collège St-Maurice, et qui mentionne sa connaissance de l’anglais comme un de ses atouts. Et qui s’ingéniera à ne pas trop paraître incompétent dans l’enseignement de la langue de Shakespeare, jusqu’à ce qu’on lui permette de continuer son bricolage en sciences religieuses et en pastorale, avant qu’un poste s’ouvre en français, sa matière préférée, Mais pas de formation, sauf la formation sur le tas. Bricolage.

Et là, je n’ai parlé que de ma vie professionnelle.

Mettons que quand j’ai rencontré Monique, je me suis « ingénié » à lui montrer que j’étais le partenaire idéal. Quel bricolage!

Je suis devenu père. Pas de formation là non plus. Sur le tas. Dans les couches!!!

J’ai bricolé un roman. Je disais à Martine que je ne savais pas écrire. Elle m’a dit que le fait que je n’aie pas de formation me permettait d’être plus personnel. Elle est gentille, Martine. Sauf que les éditeurs, des fois, préféreraient que je sois moins personnel et plus vendable!!!

Je suis retraité depuis sept ans. Je donne du temps à mon association d’auteurs. Je suis sur le CA d’une maison qui accueille des personnes avec des difficultés mentales. Je jardine. Je vais à la pêche.

Je m’ingénie à être heureux. Mais comme je suis l’homme des petits bonheurs, j’y réussis assez bien. Bricoleur de génie, que je disais.

Mais j’oublie une chose. J’ai été entouré. Une mère qui me disait : « Avec le talent que tu as, tu peux faire ce que tu veux. Tu vas réussir ». Ça, Monsieur, ça met un ego au monde!

Un père qui avait toujours besoin qu’on l’aide, mais qui répondait rarement aux questions. Débrouille-toi. Bricole, autrement dit.

Ces amis, à l’école normale, qui voulaient toujours que je sois responsable de leur groupe. Ces professeurs, à Schefferville, qui faisaient consensus pour que je devienne leur directeur.

Ces directeurs, M. Gendreau à Schefferville, mon ami Paul-Émile à Sorel, Sr Édith à St-Hyacinthe, qui m’ont accompagné et dirigé avec des mains de fer dans des gants de velours qui jouaient habilement de la carotte et du bâton!!!

Monique, la femme de ma vie. Mes enfants, ces cadeaux de la vie à la vie… Et ces petits-enfants qui disent « lâche pas, tu as encore à donner! »

En y pensant bien, nous sommes tous des « s’ingéniant », des bricoleurs de génie.

Reste pour chacun, à devenir les hommes et les femmes des petits bonheurs.

3 Comments:

At 2:44 p.m., Anonymous Anonyme said...

merci pour ce texte... tu es toujours aussi en verve! La verve des la description des petis bonheurs!

ne t'en fais pas, je crois que tes enfants ont su apprendre de toi cette débrouillardise, cet art du bricolage, cet art du bonheur du petit rien... alors merci.
Je t'aime papa! :-)

 
At 10:53 p.m., Blogger Mercredie said...

J'ai adoré vos différentes définitions de "bricolage". Je trouve que ce sont de belle métaphores.
C'était ma première lecture sur votre blog. Je vais sûrement y revenir!

 
At 11:00 p.m., Blogger Anne said...

Magnifique texte... Je n'avais pas eu le temps de le lire au complet encore. La vie va vite! Ouf!

Je suis heureuse de le lire la veille de mon anniversaire. J'en apprends encore sur mon père qui m'impressionne toujours autant par sa plume.

Ta mère avait raison. Tu avais tout pour réussir et je crois que tu peux être fier!

Je t'aime, papa!

 

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