12/19/2007

La conversion

Je ne sais pas si je crois à la Providence. À un Dieu qui nous accompagne, qui nous protège. Je devrais peut-être. Jugez-en. Mon texte commence à ressembler à une bible. Et en y pensant bien, c’est comme ça que la Bible a dû être écrite! Que quelqu’un proclame que je suis animé de l’Esprit Saint et c’est fait, je suis fait prophète!!! Je vois déjà le titre : La Bible à Fabien (et autres baratins!).

Je commence à enseigner à Schefferville en 1965. Dans mes loisirs, je joue au hockey… et je prends de la bière! Je sors avec des filles, mais je sens que je ne vais nulle part.

Première intervention de ce que je pourrais appeler la Providence. Un accident de hockey met fin à ma « carrière ». J’aurai quand même réussi à compter un but! Quand on n’en compte qu’un seul dans sa vie, on s’en souvient, non? « Morrissette dans le coin… et c’est le but! Nadeau n’a eu qu’à pousser la rondelle dans un filet devenu désert… Premier point pour Nadeau, assistances à Morissette et Roy! » Puis je romps avec ma blonde du moment, pour une question de "valeur"… Je trouve qu’elle n’en vaut pas la peine! Rupture avec la gang, rupture avec la blonde, rupture avec la bière. La table est mise pour l’arrivée de Monique dans ma vie.

Elle était l’amie de ma sœur Denise. J’avais déjà vu sa photo : belle brune. Elle avait vu la mienne aussi, sans doute : beau frisé!

Je décide sur un coup de tête de me rendre à la graduation de ma sœur à Québec. Je ne voulais pas qu'elle soit seule en ce moment important de sa vie. Elle invite pour m’accompagner une quelconque copine de classe. Et Monique accompagne mon frère. Quand nous arrivons au couvent, dans l’excitation générale, personne n’a pensé à nous présenter l’un à l’autre, Monique et moi.

—Monique, j’imagine?
—Et toi, c’est Fabien?

Toute la soirée, j’ai reluqué la petite brune. En fin de soirée, nous devions nous rendre à Plessisville. François était au volant, Monique au milieu et moi du côté droit. Un couple d’amis de Monique occupait le siège arrière.

Après quelques kilomètres, je remarque que mon frère cogne des clous. Il va s’endormir au volant. Il faut préciser que nous avions passé la nuit dans le train Schefferville-Sept-Îles (580 km), puis que nous nous étions relayés au volant de Sept-Îles à Québec (644 km). Toute une promenade!

Je prends le volant et à Plessisville, mon frère descend pour aller demander à ma sœur et son futur mari où il y aurait un restaurant d’ouvert à cette heure du matin. J’ai l’idée de démarrer une chasse en auto.

—On part, Monique?
—Oui!

En nous voyant partir, mon frère décide qu’il est trop fatigué. Il va se coucher. Et nous passons le reste de la nuit à rouler en auto, cherchant au début à quel restaurant Denise et André (et François!) sont allés manger. Nous ne les trouvons pas. Puis les amis de Monique nous demandent d’aller les reconduire.

Nous restons seuls Monique et moi. Ce que nous avons fait? Regarder des photos en attendant l’heure de la messe la plus matinale. Eh, oui, cela a commencé par une messe!!! Mais j’avais pris sa main, et elle ne l’avait pas retirée!!! Elle ne l’a jamais retirée…

Nous nous sommes mis à correspondre, et après quelques rencontres, nous avons convenu de nous marier. Nous nous connaissions si peu! Ça, c’est de la foi!

J’ai découvert que Monique était sérieuse, qu’elle avait une vie de foi profonde, qu’elle était une femme de réflexion. En plein ce qu’il fallait à un jeune homme un peu évaporé comme moi.

Nous nous sommes mariés en juillet 1967, après avoir suivi par correspondance des cours de préparation au mariage! Pour Monique, il était important que nous ne faisions pas l’amour avant le mariage. Pour moi aussi, théoriquement… Mais j’étais plus attiré par la pratique!! J’ai respecté le désir de Monique. Mais nous savions tous les deux que si nous « traversions la ligne », ce ne serait pas un drame.

Nous nous sommes installés à Schefferville, et au plan religieux, en fait, la vie se limitait à la fréquentation hebdomadaire de l’eucharistie.

Nous avions convenu d’avoir des enfants. Plusieurs. Mais comment dire… Je trouvais normal que nous ayons des enfants, mais je n’en sentais pas le « besoin », vraiment. Martin est né en 1969. C’est lui qui a fait de moi un père. À sa naissance, j’ai vécu un « orgasme affectif ». Une onde de joie venue d’une profondeur que je ne me connaissais pas.

Beaucoup plus tard, alors que Renée-Claude était très malade, à l’hôpital Ste-Justine, et que nous nous demandions si elle allait y passer, j’ai vécu l’émotion adverse : un sanglot de détresse à l’idée que mon enfant allait peut-être mourir.

J’ai eu l’image suivante : Nous naissons dans un sanglot de détresse, alors que les parents sont inondés de joie. Lorsque nous mourons, nos proches sanglotent de détresse, peut-être que le passage de la mort se fait dans la joie?

Mais n’anticipons pas. Nous demeurerons trois ans à Schefferville. Je serai responsable d’école. J’aurai l’occasion de remplacer des profs malades. De faire, entre autres choses, la catéchèse… Mais la responsabilité de directeur d'école ne me plaît pas. Ce que je veux, c'est faire mon show en classe!

Nous décidons d’aller nous établir à Contrecoeur, parce que c’est là que mes parents se sont installés en quittant Schefferville. J’offre mes services à Sorel, et je mentionne que je pourrais enseigner les Sciences religieuses. On m’engage.

Je m’intéresse à ce que je fais. Mais pour moi, la religion n’est pas qu’une matière à enseigner. Il faut la vivre. Je m’offre tout de suite à donner bénévolement du temps en pastorale. Ce qui me permettra de faire l’expérience de l’animation, dans les Clubs Jeunes du monde, par exemple.

J’aime bien les « camps » de fin de semaine, axés sur la réflexion, la célébration, la rencontre. Une fois, à un camp de liturgie, le responsable me confie l’homélie de la messe qui clôture le week-end. Je panique… Je ne me souviens plus de quel texte de l’Évangile il s’agissait, mais je me souviens de mon idée principale : « Et si c’était nous qui serions responsables que le Christ ressuscite? »

La Providence… Un été, j’ètais à la recherche d’un emploi, parce que les professeurs étaient payés sur 10 mois et que nous n’étions ni prévoyants ni économes. J’étais assis dehors à prendre le frais quand le prêtre que je connaissais comme le responsable des Jeunes du Monde arrive pour me demander si Monique et moi ne serions pas intéressés à travailler dans un camp de vacances, cet été-là. Une visite rapide du camp et c’était fait. Je devenais responsable de l’entretien et Monique, du personnel féminin! Je cherche un emploi et nous en trouvons deux, à rester tranquillement à la maison…

La Providence… Je reviens de l’école, un soir, je roulais assez vite, selon mon habitude. La route est droite, mais je me dirige vers une courbe assez prononcée. Soudain, mes yeux s’écarquillent : une auto sort de la courbe en doublant l’autre. Qu’est-ce que je fais, moi? Une voix me dit : « Serre au centre ». J’obéis : je chevauche la ligne blanche et le conducteur qui dépassait comprend que je ne prendrai pas l’accotement. Il le prend, lui, et je passe entre les voitures, sans une égratignure…

La Providence… Je rencontre un de mes oncles très actif dans le mouvement des Cursillos. Drôle de mouvement… Il est assez évasif sur la nature du mouvement, il insiste surtout sur l’impact de la fin de semaine sur les participants. Bonheur garanti, selon lui. Monique et moi nous inscrivons donc, et en novembre 1971, je me joins à une cinquantaine d’autres hommes pour faire mon Cursillo. C’est un week-end de témoignages et de célébrations où on nous fait revoir en gros l’essentiel de la foi chrétienne. Cursillo, c'est "petit cours" en espagnol. Le samedi soir, nous recevons des lettres diverses de parfaits inconnus qui disent prier pour nous, se sacrifier pour nous, et qu’ils nous aiment…Je suis jeté par terre… Comme saint Paul, je suis projeté à bas de mon cheval. Je m’en vais à la chapelle, et je prie. Non, je ne prie pas. Je constate : « C’est vrai, tout ce que j’ai appris de la religion, c’est VRAI! »

Le lendemain, lors de la célébration de l’impact, on demande aux « nouveaux » de témoigner. Mon oncle s’attendait à un long discours : je suis professeur, je sais parler en public. Mais je ne peux tirer que deux mots de mon émotion. Je prends une grande respiration, et je dis : « Je respire…. » C’est une nouvelle naissance.

Suit le parcours du parfait converti. Je suis rayonnant de bonheur, je parle de mon expérience avec mes élèves, j’ai hâte que Monique fasse son week-end à son tour. Au Cursillo, les femmes font leur fin de semaine trois semaines après les hommes, avec une équipe de femmes, bien sûr, sauf les prêtres… Mais ça, c’est une autre histoire.

Monique sortira transformée elle aussi de son Cursillo, et son discours, lors de la célébration de l’impact, le dimanche soir, sera plus étoffé que le mien! Les cursillistes se réunissent en petite communauté, un soir de semaine, pour partager sur l’évangile et célébrer l’eucharistie. Il n’y a pas de communauté à Sorel. Nous nous rendons donc tous les mercredis soirs à Victoriaville, dans la communauté de notre parrain, mon oncle : 240 km aller-retour!

Mais nous n’allions pas cheminer très longtemps dans cette communauté. Je serai attiré ailleurs.

C’est une des caractéristiques de ma vie. Je suis une formation sur l’accompagnement aux mourants, je réfléchis sur le deuil à faire de ma religion. Je travaille bénévolement à des camps de jeune, je trouve un emploi d’été pour deux! Je fais mon Cursillo, ça va me faire cheminer dans toutes sortes de communautés.

À suivre.

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