Le patenteux
« Récit réaliste mais mal construit, mal équilibré entre l'aventure en forêt, le sauvetage, les relations inter personnelles, l'amour et les frasques d'adolescents; les personnages sont stéréotypés. »
Cette évaluation de mon roman, Les rescapés de la taïga, publié en 2003, m’a un peu dérangé, vous l’imaginez bien.
Je me suis précipité sur Goggle, ai tapé « construction d’un roman » et me suis informé. Ah, c’est ça. J’ai gardé le lien pour référence future et j’ai laissé mûrir…
Je vous livre aujourd’hui ma réflexion.
Nous sommes une nation de patenteux. J’adorais, quand j’étais petit, aller faire un tour à la forge du village pour regarder une bande de fer devenir un fer à cheval. Chez mon grand-père, à la ferme, il y avait un coin forge. On n’achetait pas grand-chose, on se débrouillait, on bricolait, on innovait…
Mon père était un patenteux. Un moyeu de roue sur un poteau, des tiges de fer reliées entre elles par des planches de bois, voilà une balançoire tournante du plus bel effet … étourdissant ! Un petit moteur électrique, un montage excentrique et voilà que le bonhomme carnaval danse avec la princesse.
Notre sous-sol est souvent devenu atelier de conception, réalisation, peinture… Il en parlait à tout le monde et tout le monde avait hâte de voir la dernière patente du Père Nadeau. Pour se moquer de lui, ou le féliciter, selon…
Je suis aussi un patenteux. J’ai fait une carrière d’enseignant, et j’ai toujours eu de la difficulté à me servir du matériel tout fait. Je préférais créer mon matériel. Est-ce que tout le matériel inventé respectait toutes les normes du ministère ? Permettez-moi d’en douter ! Alors, un expert aurait pu réviser mon matériel en oscillant entre le doute, l’inquiétude, la peur… et j’espère aussi, parfois, l’admiration. Car la caractéristique du patenteux, c’est de sortir des sentiers battus.
Alors, m’y voici : qui fait les sentiers battus, qui fait la norme ? J’imagine même que quelqu’un a déjà essayé de définir la patente !!!
Un intellectuel (que je ne méprise pas, j’en suis un… oh, si peu !) s’amène. Il observe la patente. Il compare à d’autres patentes. Des points communs, il tire des conclusions.
Il écrit un mémoire, le défend avec succès et est consacré patentologue. Il poursuit son étude des patentes, parcourt différents pays, écrit un mémoire de patentologie comparée, se retrouve avec une maîtrise. Il va pouvoir travailler dans un ministère !
Mais pas tout de suite. Car d’autres se sont amusés aussi à étudier la patente, on a de nombreux traités de patentologie, plusieurs diplômes de plusieurs universités différentes et notre patentologue devient nerveux. Qu’est-ce que la patentologie, finalement ?
Notre patentologue va faire un peu de philosophie à la Sorbonne et revient avec une idée géniale : il faut normaliser la patentologie. Il obtient une bourse, devient docteur en patentologie et obtient un emploi au gouvernement comme sous-ministre responsable de la patente.
Quand quelqu’un voudra se lancer dans la patente, il devra obtenir un permis. Et pour l’obtenir, il devra justifier son appartenance à l’Union des Patenteux, qui a entre temps obtenu le monopole de la patente.
Ouf… J’ai bien peur que ce soit la fin de la patente !!!
Je suis un patenteux. J’ai enseigné comme un patenteux. J’écris comme un patenteux. Vous voyez bien !
Quand j’ai écrit mon roman, je me suis fait plaisir. J’ai essayé de créer un monde : une famille, des jeunes avec leurs parents et leurs amis, j’ai voulu les mettre en situation de défi. Je les ai regardés agir, interagir selon leurs valeurs. J’aurais pu intituler mon roman : Tranche de vie chez les XYZ à W dans les années N.
Mais voilà que les patentologue du roman sont tombés sur cette patente, ont lu mon roman et se sont posé une question d’intellectuel : « Qu’est-ce que c’est que cette patente à gosses ? »
Pas construit comme les patentologues auraient voulu. Pas équilibré à leur goût. Trop stéréotypé. Hum…
Et pourtant, mon roman s’est vendu en relativement peu de temps. Preuve, sans doute, qu’il y a plus d’amateurs de patentes que de patentologues dans la population.
Mais je promets. Je m’amuserai un peu moins lors de mon prochain roman, je vais faire attention à la structure, à l’unité, à la simplicité. Quant aux stéréotypes, c’est plus difficile. Le stéréotype est souvent dans l’œil de celui qui regarde.
Peu de gens lisent pour débusquer les stéréotypes, je pense. Qu’en pensez-vous ?
Et c’est sur mon blogue, sur Facebook, maintenant, que je sèmerai mes patentes !
On dit souvent qu’une société évolue par sa marge et la patente est marginale !!!
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