Faisons le point
Si on résume les observations précédentes, qu’est-ce qu’on a?
— On a un petit garçon plongé dès sa naissance dans la culture religieuse de l’époque, basée sur la tradition, la peur de la sexualité, la fréquentation des sacrements.
— On a un petit garçon normal au plan du développement de sa génitalité que l’on convainc que les pulsions qu’il ressent ne sont pas acceptables.
— On a un préadolescent prêt à se faire prêtre pour faire plaisir à sa mère. Mais ça n’est pas une fondation bien solide pour une vocation!
— On a un adolescent qui fait l’expérience douloureuse du conflit insoluble entre sa sexualité et sa spiritualité. Que doit-il faire? Devenir un ange ou être un homme? Il choisira d’être un homme, c’est plus réaliste… Mais il garde la nostalgie de l’ange qu’on lui a fait croire qu’il pouvait être. Non, qu’il DEVAIT être.
— On a un jeune homme qui continue à fréquenter l’église, mais dont la « pratique » concrète s’éloigne de plus en plus de l’enseignement de l’Église. En fait, l’Eglise n’existe tout simplement pas pour lui.
— Il se marie à l’église, parce c’est ce que sa culture veut. Il a des enfants sans en sentir fortement le désir. Lui et sa femme suivront des méthodes « naturelles » de limitation des naissances, mais sans le dire, il n’adhère pas à l’idéologie religieuse qui motive ce choix.
— Les enfants seront baptisés, comme la culture le veut. Ils seront élevés dans cette culture religieuse.
— Le jeune couple fait l’expérience de la rencontre de Dieu dans le mouvement des Cursillos, du moins, il le croit. Il se met en route, passant d’une communauté à l’autre, d’un mouvement à l’autre cherchant le meilleur moyen de vivre sa foi.
— Le jeune couple devient désillusionné et cesse progressivement sa fréquentation de l’église.
— Le couple plus si jeune devient agressif face à l’église. Il est tenté de brûler ce qu’il a adoré, quoi… C’est souffrant.
Un couple désillusionné, donc. Qui a perdu ses illusions. Je suis rendu à l’étape du deuil qui consiste à prendre conscience du manque. De ce qui ne reviendra plus.
Prendre conscience des espoirs déçus. Pour ensuite voir sur quelles bases fonder l’avenir du pèlerinage!
Je pense que le premier deuil à faire, c’est celui de la perte du sens. La religion avait vraiment donné un sens à notre vie. Nous y avions investi nos énergies, et même notre argent. Nous y prenions beaucoup de place comme animateurs. Nous nous sentions reconnus. Nous avions l’impression d’être un peu meilleurs.
Mais il n’y a pas de salut, parce qu’il n’y a pas de damnation. L’être humain est mortel, l’être humain est limité. C’est sa nature.
Deuil à faire aussi, mais prix à payer pour devenir adulte : perte du regard enfantin. Nous nous sommes émerveillés de si belles histoires! On nous a fait vivre de si belles cérémonies! On s’est fait enfumer de tant d’encens…
Désillusion aussi face à l’Église prétendument sainte…Faut lire les Mémoires d’Hans Kung sur les magouilles canoniques lors du concile Vatican II pour comprendre que celui-ci a donné naissance à un festival de la Sainte Hommerie!!!
Désillusion face à cette Église qui nous a caché des choses. Et nous en cache encore. Pour protéger notre foi. Quelle est donc cette foi qui a peur de la vérité? On nous a traité comme des enfants, on nous a manipulés.
Désillusion face à cette Eglise de pécheurs qui se présentent comme saints. Église de pharisiens. J’ai tout ça en moi encore, mon ami Alexis passe son temps à me reprendre. Faut pas juger. On n’est pas meilleurs. Église d’hypocrites.
Hypocrisie qu’on n’a pas à juger, d’ailleurs. Comment ne pas être hypocrites quand le modèle proposé n’est pas humain? Pourquoi l’humain devrait-il devenir un supra humain?
Désillusion face aux sacrements. Trop de magie, trop d’idolâtrie. Ah, qu’il avait raison celui qui disait dans la Bible : « Tu ne feras pas d’image taillée de moi… » Toute la religion est un effort humain pour « cerner » Dieu et même le réquisitionner! C’est le fun quand on peut mettre Dieu dans une petite boîte et lui parler de nos bobos!!! Ou encore questionner sa compétence en constatant l’état du monde!!!
Désillusion aussi face à la dictature de l’Église face à la morale. Son immobilisme. Sa philosophie du Moyen-Âge. Son option pour la conformité plutôt que la liberté. On a tellement peur de la liberté, dans l’Église!
Et surtout face au concept de l’être humain vicié, sali au départ par la tache originelle, tenté par tous les péchés. Les meilleurs étant appelés capitaux! Parce que l’être humain n’apparaît vicié qu’en comparaison d’un idéal fantastique. Les pires crimes comme les plus grands exploits sont humains, point.
Désillusion face à la lecture en général assez fondamentaliste des Écritures. Je me souviens d’un étudiant en théologie qui a quitté le cours parce qu’il disait risquer de perdre la foi en écoutant notre prof, un prêtre, pourtant. Mais quand on peut passer des heures à prier devant un morceau de pain, on a de la difficulté à accepter que l’eucharistie, c’est d’abord une communauté rassemblée!
Il va me falloir accepter le deuil de l’espace que je prenais dans les diverses communautés auxquelles j’ai appartenu. Du plaisir de la recherche d’idées nouvelles pour l’animation, du plaisir de l’enseignement : j’ai toujours aimé faire mon show devant un public!
Mais je rêve encore de parler devant un public. Si quelqu’un veut que je parle des découvertes que j’expose ici, qu’il m’appelle!!! Je ne suis pas prêt à en faire le deuil…
Prochain épisode : Bâtir…
Libellés : culture, désillusion, identité québecoise, religion
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