10/09/2010

L’Action de Grâce

Ce week-end de l’Action de grâce, plein de soleil et d’air frais, a pour moi une profonde signification, puisque j’ai cru, il y a un moment, que je ne le verrais peut-être pas… Mais ça va mieux, je reviens d’une bonne marche de santé et j’ai les neurones actifs.

Comme la plupart des jeunes Québécois, ma première expérience de l’Action de grâce comme fête communautaire a coïncidé avec une fête des récoltes et un encan sur le perron de l’église en faveur de la fabrique! Plus vieux, j’ai appris l’origine américaine de la fête, mais je ne savais pas qu’on faisait remonter la tradition canadienne à Champlain pour les francophones et Frobisher pour les autres! Il y a toujours moyen de récrire l’histoire pour expliquer le présent…

J’ai longtemps été croyant, mais j’ai toujours eu l’intuition que l’action de grâce se passe de paroles. Le bébé qui boit bruyamment n’a pas besoin de dire : « Wow, maman, tu fabriques du super de bon lait! » Le voir téter goulûment suffit!

Pourtant, un peu plus tard, on lui montrera à dire merci. Ça fait partie de l’art de vivre. Par contre, moi, je trouve que ceux qui exigent de la gratitude ont un problème.

Par exemple, je me souviens d’avoir entendu une grand-mère ronchonner : « Si vous mettez des enfants au monde pour avoir de la gratitude, oubliez ça! » J’ai rapidement compris que pour elle, un enfant (même adulte!) qui n’agissait pas à son goût à elle n’était pas « reconnaissant ». Un enfant reconnaissant fait ce que sa mère lui dit!

On oublie parfois que grâce et gratis ont la même racine : gratus, agréable.

On n’a pas demandé la vie, on l’a reçue. On ne l’a pas méritée. On n’a pas non plus reçu une vie identique : ce serait « plate » à mort! Il y en a qui ont reçu une belle grosse vie, d’autres, c’est plutôt la « petite vie », sans jeu de mots! De là, naissance de l’envie. L’envie, le « mauvais regard » qui nous rend hostile au bonheur de l’autre. Le péché mortel contre l’action de grâce. Je donne un bonbon à chacun de mes enfants et ils se disputent pour avoir le bleu. Pleurent parce que le bleu est le « plus meilleur »… Comme parents, nous avons tous vécu cela.

Ce qui m’amène à une autre réflexion. Je ne sais plus pour quelle raison, je disais à un vieillard (comme je suis maintenant!), un peu avant sa mort : « Moi, mes parents m’ont donné la vie, ils m’ont permis d’étudier, j’ai tout ce qu’il faut pour bien mener ma vie. Ils ne me doivent plus rien… » Il m’a répondu : « J’aimerais qu’il y en ait plus qui pensent comme toi … » J’en ai conclu que parmi ses enfants, il y en a qui s’enviaient, qui se disputaient à propos de la manière dont ils étaient traités, ou avaient été traités, par leurs parents. Pourtant, ce qu’on a reçu de nos parents, on l’a reçu gratuitement!

Un jeune homme qui voulait faire l’intéressant dit un jour à son père : « Papa, vous avez payé mes études, je gagne maintenant bien ma vie. Combien je vous dois? » Le père, peu instruit, mais futé, lui répond : « Oh, mais c’est toi qui es instruit, décide toi-même ce que ça vaut! » Paraît qu’il n’en a jamais plus entendu parler!!!

L’action de grâce veut dire, dans le fond, qu’on a reçu gratuitement et qu’il est impossible de rendre l’équivalent de ce qu’on a reçu. La seule chose à faire, c’est d’apprécier le cadeau. C’est humain d’envier l’autre. Mais ça ne veut pas dire que c’est bien!

Alors, une résolution, aujourd’hui. Chaque fois que je me surprends à envier quelqu’un, je me tourne vers ma vie et je rends grâce pour ce que j’ai reçu gratuitement. Mais moi, je dois avouer que j’envie ma mère! Eh oui : elle passe son temps à dire qu’elle remercie le Bon Dieu pour la belle vie qu’elle a eue. Et Dieu sait qu’elle ne l’a pas toujours eue facile!!!

J’aimerais ça, avoir l’action de grâce perpétuelle! Ça sent le bonheur, non?