9/10/2006

Réflexion sur le 11 septembre

« Tu ne changes pas, toi, toujours le même ! » On vous a déjà dit ça ? Je ne suis pas sûr que ce soit un compliment… Mais c’est un fait. Ce qui fait le cœur d’une personne ne change pas. Et on se retrouve après quelques années comme si on ne s’était jamais quitté.

Si on pousse la réflexion, on se rend compte que l’humain ne change pas. Oh, bien sûr, entre mon enfance avant l’électrification rurale et ma vie virtuelle d’aujourd’hui, il y a un monde ! Mais le cœur ne change pas. Ni meilleur ni pire.

J’ai essayé longtemps d’être meilleur. Ça ne m’a servi qu’à me culpabiliser de ne l’être pas. Le comportement extérieur ne devait pas être si mal, d’ailleurs. Mais le cœur ?

Un de mes amis me dit souvent avoir été libéré par la parole d’un vieux prêtre, alors qu’il se plaignait de ne pas parvenir à être meilleur. « Tu n’es qu’un pauvre pécheur ! » Savez-vous comment je comprends ça ? Tu n’es qu’un pauvre pécheur, ça veut dire que tu n’es pas Dieu. Eh, je suis un pas-Dieu ! Est-ce que je vais accepter ça, un jour ?

« Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait ! » Tout un programme. Impossible. On peut faire comme si. Par exemple, faire des dons importants à son Alma Mater… Et exploiter ses employés en même temps… L’argent ne pousse pas dans les arbres…

Mais ce n’est pas là que je veux en venir. Nous soulignons ces jours-ci le cinquième anniversaire des attaques sur le World Trade Center. Catastrophe qui a changé l’Amérique.

Changé ? Non. L’Amérique n’a pas changé. Elle est née de la conquête d’un pays par un autre. Elle est fondée sur l’extinction presque totale des aborigènes, sur l’esclavage des Noirs, sur le travail des enfants. Et aujourd’hui, sur le travail sous–payé des immigrants illégaux, le travail des enfants dans les pays du Tiers-Monde, mondialisation oblige…

Oh, il y des choses qui sont bien en Amérique. Sauf pour Ben Laden. Mais j’ai été agréablement surpris d’entendre l’ayatollah Katemi dire qu’il mettait Bush et Ben Laden dans le même sac ! Parce que ce sont des extrémistes…

Le problème, c’est que nous n’apprenons rien de l’histoire. Nous nous servons de l’histoire pour justifier le présent. Comme si le présent était un progrès.

Non, le présent n’est pas un progrès. L’oppression, comme autrefois, est la règle générale. C’est pourquoi, après les attaques terroristes du 11 septembre, la seule réponse logique des Américains, ou plutôt du président Bush et de son équipe, a été d’orchestrer une contre-terreur. Que sa fureur se soit jetée sur l’Iraq, qui n’avait ni liens particuliers avec Al-Qaeda, ni armes de destruction massive, c’est une autre histoire. Les humains sont humains. L’homme est un loup pour l’homme. Et il n’est souvent pas facile de discerner qui est l’homme et qui est le loup…

Le seul moyen serait de revoir l’histoire comme la consignation des échecs de l’être humain (Benjamen). Et d’essayer d’en tirer une leçon pour aujourd’hui. Pas pour demain, comme dit la chanson, il ne nous appartient pas. Non, pour aujourd’hui.

La Shoah a été une catastrophe terrible. Et on a tendance à la voir du côté des victimes. Mais du côté des persécuteurs ? Que s’est-il passé pour que des humains se déshumanisent à ce point ? Non, ils ne se sont pas déhumanisés. Ils ont juste été des pas-Dieu. Et ça nous guette encore aujourd’hui.


Bush, dans sa poursuite aveugle des terroristes arabes, avec les moyens extraordinaires qu’il prend, prisons secrètes, incarcérations préventives, prison extraterritoriale, procès militaires extraordinaires pour ne pas s’embarrasser des règles ordinaires de justice, Bush a-t-il appris quelque chose de ce qui a poussé des milliers d’Allemands à devenir des persécuteurs aveugles ? Non, je pense.

Je parle de Bush. Je devrais parler de moi. Comme Kennedy, qui s’était rendu extrêmement sympathique à Berlin en disant : « Ich bin ein Berliner ! » Je suis Berlinois, je suis solidaire.

Je devrais dire : « I’m American… » Je suis solidaire. Le mal que je vois en toi, je le reconnais en moi. « I’m Bush. » Pas mieux, pas pire. Pas drôle.

9/03/2006

Les rites de passage

Quand on a pris une distance de sa communauté religieuse, ou de toute religion, comment souligne-t-on les passages importants de la vie ?

Il ne faut pas l’oublier, la vie des croyants est marquée par des célébrations signifiantes : le baptême pour l’accueil dans la communauté, le mariage pour l’officialisation des liens des époux, la confirmation pour la prise en mains de sa foi. Mais quand on a pris une distance, qu’est-ce qu’on fait ?

D’abord, il faut se rappeler que les rites de passages existent indépendamment de toute religion. Le bal de fin d’année (et l’après bal !) des finissants du secondaire en est un exemple. La montre en or offerte par certaines compagnies après tant d’années de service, la fête plus ou moins intime qui célèbre la retraite en sont d’autres. Les religions, souvent, ne font que recycler des fêtes laïques, ou celles d’autres religions !

Alors, hier, nous avons vécu, dans notre famille, un beau rituel de passage. C’était la célébration de l’accueil de Thomas, 6 mois, le fils de Marie-Pascale, notre fille, et de son conjoint Thierry. Nos enfants et petits enfants étaient invités, ainsi que les parents de Thierry et sa sœur Sophie.

On a d’abord porté un toast à Thomas, qui devait trouver qu’il y avait soudainement bien du monde autour de lui ! Puis on s’est assis pour manger. Chacun avait apporté un plat à partager et comme d’habitude quand on fait ça, chacun a dû en rapporter un peu !

On avait planté un arbre devant la maison, « l’arbre de Thomas". Marie-Pascale nous a demandé d’écrire sur un carton un mot pour Thomas, qu’il lira le jour de ses 18 ans. Puis les cartons ont été accrochés dans les branches de l’arbre et les marraines, tantes de l’enfant, ont jeté la dernière pelletée de terre symbolique, pour souligner leur engagement face à Thomas. Puis les cartons ont été recueillis et mis dans une boîte qui a été scellée et qu’on lui remettra à sa majorité.

Commentaire d’un des enfants : « Sa boîte, je pense qu’il ne la trouvera pas bien très belle, quand il aura 18 ans… » On n’a pas tous les mêmes préoccupations !

Monique a réalisé que lorsque Thomas aura atteint l’âge de la majorité, elle aura 79 ans. Et moi 82 ! Serons-nous encore là ? Et dans quel état ? On ne peut savoir.

La vie est une boîte de laquelle on tire chaque matin un carton dont on ignore le contenu. Un bon matin, il n’y a plus de carton. Et c’est nous alors qu’on met dans une boîte !

Et les incroyants, les distants ont besoin d’un rite pour ce passage-là aussi. Mais si je me fie à ce que j’ai vécu hier, il n’y a pas à s’inquiéter. On saura bien inventer une célébration pour ce rituel-là aussi. Hein, Marie-Pascale?

Il me reste à dire comment j’ai été heureux hier. Et j’ai observé une chose : plus je vieillis, plus je me sens en retrait lors des fêtes familiales. C’est comme si les enfants, tout heureux de revoir leurs frères et sœurs, neveux et nièces, préoccupés par l’organisation concrète de la fête, n’avaient plus de place pour leurs parents. Et ce n’est pas triste.

Nous nous effaçons tranquillement et la vie, elle, continue de bouillonner. C’est beau, c’est bon.