Réflexion sur le 11 septembre
« Tu ne changes pas, toi, toujours le même ! » On vous a déjà dit ça ? Je ne suis pas sûr que ce soit un compliment… Mais c’est un fait. Ce qui fait le cœur d’une personne ne change pas. Et on se retrouve après quelques années comme si on ne s’était jamais quitté.
Si on pousse la réflexion, on se rend compte que l’humain ne change pas. Oh, bien sûr, entre mon enfance avant l’électrification rurale et ma vie virtuelle d’aujourd’hui, il y a un monde ! Mais le cœur ne change pas. Ni meilleur ni pire.
J’ai essayé longtemps d’être meilleur. Ça ne m’a servi qu’à me culpabiliser de ne l’être pas. Le comportement extérieur ne devait pas être si mal, d’ailleurs. Mais le cœur ?
Un de mes amis me dit souvent avoir été libéré par la parole d’un vieux prêtre, alors qu’il se plaignait de ne pas parvenir à être meilleur. « Tu n’es qu’un pauvre pécheur ! » Savez-vous comment je comprends ça ? Tu n’es qu’un pauvre pécheur, ça veut dire que tu n’es pas Dieu. Eh, je suis un pas-Dieu ! Est-ce que je vais accepter ça, un jour ?
« Soyez parfait comme votre Père céleste est parfait ! » Tout un programme. Impossible. On peut faire comme si. Par exemple, faire des dons importants à son Alma Mater… Et exploiter ses employés en même temps… L’argent ne pousse pas dans les arbres…
Mais ce n’est pas là que je veux en venir. Nous soulignons ces jours-ci le cinquième anniversaire des attaques sur le World Trade Center. Catastrophe qui a changé l’Amérique.
Changé ? Non. L’Amérique n’a pas changé. Elle est née de la conquête d’un pays par un autre. Elle est fondée sur l’extinction presque totale des aborigènes, sur l’esclavage des Noirs, sur le travail des enfants. Et aujourd’hui, sur le travail sous–payé des immigrants illégaux, le travail des enfants dans les pays du Tiers-Monde, mondialisation oblige…
Oh, il y des choses qui sont bien en Amérique. Sauf pour Ben Laden. Mais j’ai été agréablement surpris d’entendre l’ayatollah Katemi dire qu’il mettait Bush et Ben Laden dans le même sac ! Parce que ce sont des extrémistes…
Le problème, c’est que nous n’apprenons rien de l’histoire. Nous nous servons de l’histoire pour justifier le présent. Comme si le présent était un progrès.
Non, le présent n’est pas un progrès. L’oppression, comme autrefois, est la règle générale. C’est pourquoi, après les attaques terroristes du 11 septembre, la seule réponse logique des Américains, ou plutôt du président Bush et de son équipe, a été d’orchestrer une contre-terreur. Que sa fureur se soit jetée sur l’Iraq, qui n’avait ni liens particuliers avec Al-Qaeda, ni armes de destruction massive, c’est une autre histoire. Les humains sont humains. L’homme est un loup pour l’homme. Et il n’est souvent pas facile de discerner qui est l’homme et qui est le loup…
Le seul moyen serait de revoir l’histoire comme la consignation des échecs de l’être humain (Benjamen). Et d’essayer d’en tirer une leçon pour aujourd’hui. Pas pour demain, comme dit la chanson, il ne nous appartient pas. Non, pour aujourd’hui.
La Shoah a été une catastrophe terrible. Et on a tendance à la voir du côté des victimes. Mais du côté des persécuteurs ? Que s’est-il passé pour que des humains se déshumanisent à ce point ? Non, ils ne se sont pas déhumanisés. Ils ont juste été des pas-Dieu. Et ça nous guette encore aujourd’hui.
Bush, dans sa poursuite aveugle des terroristes arabes, avec les moyens extraordinaires qu’il prend, prisons secrètes, incarcérations préventives, prison extraterritoriale, procès militaires extraordinaires pour ne pas s’embarrasser des règles ordinaires de justice, Bush a-t-il appris quelque chose de ce qui a poussé des milliers d’Allemands à devenir des persécuteurs aveugles ? Non, je pense.
Je parle de Bush. Je devrais parler de moi. Comme Kennedy, qui s’était rendu extrêmement sympathique à Berlin en disant : « Ich bin ein Berliner ! » Je suis Berlinois, je suis solidaire.
Je devrais dire : « I’m American… » Je suis solidaire. Le mal que je vois en toi, je le reconnais en moi. « I’m Bush. » Pas mieux, pas pire. Pas drôle.